English National Ballet at Palais Garnier

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Le Figaro Prereview: “La critique de la rédaction”

Le Figaro: Danse: bateau libre pour Le Corsaire

Par Ariane Bavelier.

Mis à jour le 24/06/2016 à 17h15 | Publié le 24/06/2016 à 15h45.

Première compagnie britannique invitée à l’Opéra Garnier depuis 1970, l’English National Ballet offre un spectacle bondissant et très théâtral.

Sur l’affiche, on voit un homme torse nu qui rame de dos. Solitude embarquée à bord d’une barque blanche sur une mer encalminée. La production du Corsaire qu’amène à Garnier l’English National Ballet est aux antipodes de cette image. Baroque, furieuse, déchaînée, prise dans un tourbillon de mouvements qui ne parvient pas totalement à chasser la poussière de la scénographie.

Au premier acte, dans la scène du Bazar, les toiles peintes jaunies dévorent la scène et asphyxient la danse. Au troisième, la silhouette d’un Palais des Mille et Une Nuits ne suffit pas à rendre envoûtant le jardin Animé, et les costumes donnent envie d’exporter notre Christian Lacroix national malgré le Brexit.

Ainsi l’a voulu la directrice de l’English National Ballet, Tamara Rojo. Elle a commandé au décorateur Bob Ringwood, en 2013, une «production entièrement d’époque, comme s’il s’agissait d’une mise en scène des années 1850». L’Orient de Byron dont s’inspire Le Corsaire est pourtant une contrée haute en couleur et en enchantements. Et aussi en rebondissements. Conrad libère sa bien aimée Médora que le Pacha a fait enlever pour son harem. Pirates, esclaves, trahison, naufrage…

Heureusement, l’English National Ballet a le charisme de la situation. Inutile de chercher le raffinement des corps de ballet qui respirent à l’unisson et dessinent avec délicatesse des volutes de tutu. Ça n’est pas le point fort de cette compagnie dont les danseurs ne partagent pas une école mais viennent de tous les pays du monde.

Combinaison à hauts risques

En revanche, la compagnie a la théâtralité dans le sang. Anna-Marie Holmes, qui remonte la chorégraphie de ce ballet inspiré d’un poème de Lord Byron, exploite ce filon, taillant dans le burlesque la pantomime du Pacha (Michael Coleman), soulignant les traits patibulaires chez le traître Birbanto (Yonah Acosta) et l’absence de scrupules chez le marchand d’esclaves Lankedem (Ken Saruhashi). Œil d’escarboucle et tempérament de braise, Tamara Rojo reste crédible dans le rôle de l’éplorée. La compagnie possède aussi une virtuosité un peu oubliée de ce côté-ci de la Manche.

De même que les solistes s’amusent à jouer leur rôle, ils prennent plaisir à oser des combinaisons pyrotechniques à hauts risques. Quel panache! Isaac Hernandez en Corsaire, Cesar Corrales en Ali et Tamara Rojo en Médora transforment le pas de trois du second acte en un moment d’anthologie qui laisse le public du Palais Garnier pantelant.

Rojo a des fouettés étincelants, des cambrés envoûtants, une attaque et une précision dans le travail des pieds qui tranche avec ses langueurs de grande odalisque. Hernandez possède une danse brillante et ample. Corrales bondit à décrocher le lustre. L’une est espagnole, le second mexicain, le dernier cubain grandi au Canada. Tous sont élancés et élégants: ils pourraient danser des rôles nobles. Or la distribution est différente chaque soir avec des perles comme Alina Cojocaru. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Tamara Rojo sait mener une compagnie et choisir ses danseurs!

Le Corsaire par l’English National Ballet au Palais Garnier – De la dynamite ! – Compte-rendu

Rocambolesque